Histoire des avions Fournier

La genèse des avions Fournier

Dans de très nombreux pays, des pilotes ont le bonheur de voler aux commandes d’avions rêvés, réfléchis, dessinés par René Fournier. Leur faible coût d’exploitation, leur pilotage d’un agrément unique et leur longévité sont unanimement appréciés.

Avec le RF-01, en 1960, après des années de mûrissement, René Fournier a créé une nouvelle famille d’aéronefs, une nouvelle façon de voler. Il souhaitait se démarquer de l’escalade à la puissance qui faisait rage à l’époque. Il rechercha une formule d’avion fin, nécessitant peu de puissance. Chacun reconnaît aujourd’hui l’éclair visionnaire qu’il a su capter à ce moment là, ignorant que quelques dizaines d’années après, il allait être considéré comme le promoteur de l’aviation verte.

avions Fournier
RF-01 – Premier vol le 30 mai 1960.

Des centaines d’appareils de sa marque ou découlant d’elle, volent dans trente-cinq pays.
Malheureusement, les responsables de l’Aviation civile de l’époque n’ont pas compris le véritable intérêt de sa formule, lui compliquant même passablement la vie en lui imposant des normes inadaptées.

Faute de capitaux et d’un véritable soutien des pouvoirs publics, René Fournier n’a pas eu le succès industriel qu’il aurait mérité. Pourtant le marché qu’il a ouvert avec nouveau type de machine était bien là. D’autres constructeurs, avec de vrais moyens financiers, s’y sont engouffrés en plagiant sans scrupules ce modèle d’avion aux longues ailes que l’administration européenne a baptisé 40 ans plus tard TMG (Touring motor gliders) pour les différencier des vrais planeurs motorisés (1).

Le RF-01

Dessiné en 1947, il ne sera construit que 10 ans plus tard et fera son premier vol à Cannes, aux mains de Charles FAUVEL. Le succès est immédiat. Avec pour seul bagage technique l’année passée à l’école de Rochefort, et après quelques milliers d’heures d’étude, de réflexion et de travail, René Fournier venait de réaliser son rêve. Écoutons le :

«  Mon avion, je le rêvais, ne serait pas comme les autres ; ce serait un oiseau voilier, un oiseau avec de longues ailes fines et pures ; un avion de poète, conçu pour planer, c’est à dire un « avion-planeur » (2).

Il commence la construction des empennages dans l’atelier d’un maître-charron de sa connaissance. On imagine l’œil du charron regardant les fines baguettes de bois, les goussets, les collages !…  Puis il part à Cannes, son rouleau de plans sous le bras, et se met à construire à plein temps.

Une aérodynamique bien étudiée, le train monotrace escamotable, la faible motorisation compensée par la finesse : la formule est en place, et réussie, dès le RF-01.

Moteur de la Coccinelle Volkswagen de 1130 cm3, 27 ch. Hélice Jean-Pierre Evra. Croisière à 150 km/h pour 8 l/h et seulement 3,5 l/h à 90 km/h.

RF-01, le premier des avions Fournier
RF-01 en vol au-dessus des ailes du Lerins, Aviasport nov.1960

Le RF-01 obtient le premier prix du RSA, à Nogaro, en août 1960. Il sera hélas cassé un an plus tard, en juin 1961, lors d’un meeting à Dijon (perte de vitesse en finale, hélice calée) par Bernard Chauvreau. Celui-ci sera pardonné, et engagé plus tard dans la société Fournier. Pendant 30 ans, il assurera les convoyages et les vols d’essai des autres modèles de la marque.

Le RF-02

Les services de l’État ont trouvé le RF-01« intéressant » pour les Aéro-clubs. Il est testé en vue d’une aide éventuelle à la construction et à la certification d’un deuxième avion. Parmi les testeurs officiels, il y a deux pionniers du vol à voile, Éric Nessler et Georges Abrial.

Le 01 avait été classé dans la catégorie des « avions d’amateur ». Pour le 02, il faut respecter des normes autrement plus exigeantes : celles des avions jusqu’à 5,7 tonnes, et celles des planeurs – tenir le piqué vertical plein aérofreins sans dépasser le domaine de vol – et que le moteur soit certifié.

Pour le moteur, la maison Rectimo (Chambéry) adapte le nouveau VW de la Coccinelle (39 ch). C’est la première utilisation d’un moteur d’automobile en série sur un avion.

René Fournier s’associe à Antoine d’Assche, créateur de la société Alpavia (Gap-Tallard). Ensemble ils vont sortir non pas un mais deux RF-02.

Le 14 octobre 1962, Claude Visse procède à une démonstration de consommation du RF-02. Avec 30 litres d’essence et n’utilisant que la puissance nécessaire à compenser la vitesse de chute, il vole 6 h 42, soit une moyenne horaire de 4,2 litres, à 90 km/h.

Comme l’écrit René Fournier, à cette époque de gaspillage de l’énergie, de course à la puissance et de bruit :

RF 2- Premier vol en mai 1962.

notre modeste RF-02 faisait figure de parent pauvre avec son moteur de pétrolette se refusant à boire. En attendant, nous volions à peu près pour rien. 

René Fournier

Mais le RF-02 pèse 20 kg de plus que le 01. Cela est dû pour un tiers au moteur, un tiers aux AF et un tiers au renfort du longeron, pour tenir le piqué, exigé par la norme planeur. En plus, le train est fragile et les aérofreins bien trop puissants pour une utilisation en club. René Fournier décide de simplifier cela : ce sera le RF3.

Un exemplaire du RF-02 est au Musée de l’Air et de l’Espace, au Bourget, l’autre vole encore dans l’Ain

La production en série des avions Fournier

Le RF3

Pour échapper à la norme « planeur » trop pénalisante, René Fournier réétudie l’appareil sous la seule norme « avion ». Les aérofreins peuvent être réduits, et l’avion allégé.

C’est la première fois que René Fournier doit assister à des essais de vibrations et de rupture, avec les sentiments qu’on imagine….

Une quarantaine de RF3 sont produits par Alpavia, en moins de trois ans, à Gap-Tallard.

RF3 – Premier vol en 1963.

Aux mains de Bernard Chauvreau, qui accompagne René Fournier depuis le début, le RF3 est l’attraction du Salon du Bourget 1963. Il séduit notamment l’Allemand Alfons Pützer.

Le RF4D

Puis une version acrobatique du RF3 est demandée par la clientèle. Les améliorations : le longeron renforcé (+6/-3), les commandes par bielles et roulements, le dessous du fuselage arrondi, les gouvernes modifiées (ailerons compensés).

La quintessence de ses grands frères » ; un avion « qui se sent bien dans sa peau »
écrit René Fournier. On ne saurait mieux dire ! Et c’est un grand succès.

Quatre appareils sont construits par Alpavia. Mais déjà à l’époque, il est complexe de produire en France. Pas d’autre solution que de fermer l’usine et de partir Outre-Rhin. C’est la société Sportavia, créée à cet effet par Alphons Pützer, qui va désormais produire les avions Fournier sous licence. Le RF4 est le premier, auquel la lettre D est ajoutée, pour Deutschland.

L’usine allemande produit le RF4 à bonne cadence et en exporte dans une trentaine de pays

RF4 – Premier vol 25 novembre 1965.

Les RF5 et RF5b

Version biplace en tandem du RF4. Ailes repliables. Conception et construction d’une dizaine d’exemplaires à Nitray (Indre-et-Loire). C’est une réussite du premier coup mais, pour la petite histoire, le moteur Rectimo du prototype nous lâche au bout de 50 heures de vols d’essais.

Rectimo ne se montre plus coopérant, il faut donc trouver un autre moteur. Alphons Pützer rencontre alors Peter Limbach qui « apporte » un 1700 cm3, dérivé aussi du VW, en huit jours !

Classé motoplaneur en Allemagne, le RF5 se retrouve lui aussi classé dans la catégorie des « Avions fins à atterrissage plané court » en France où il n’y a toujours pas de catégorie « motoplaneur ». De même, il n’est pas autorisé voltige en France. Bernard Chauvreau fait pourtant d’innombrables présentations de voltige, y compris au Bourget. En fait, on est en règle ou en défaut selon que l’immatriculation est allemande ou française !

RF5 – Premier vol 22 janvier 1968, avec Bernard Chauvreau, sur la neige gelée à Dahlem.

Les RF6 et RF6b

La hausse du Deutsch Mark pénalise les exportations allemandes, en revanche elle facilite grandement ses importations, et c’est par centaines que les avions américains affluent en Allemagne. Le grand marché qui s’ouvre alors, est celui des avions de voyage et d’école à la méthode américaine. Train tricycle fixe, sièges côte à côte, moteur de 100 à 200 ch, conduite par volant et non plus par manche. C’est la fin du pilotage de tradition. La crise du pétrole n’est pas encore là.

Sportavia souhaite entrer dans ce marché et commande l’étude d’un triplace au Bureau d’études Fournier. Ce sera le RF6.

S’il veut survivre, René Fournier doit lui aussi pénétrer ce marché. Parallèlement au triplace, il va étudier et construire un biplace pour l’école. Mais à l’inverse des avions américains, il va créer un véritable appareil d’enseignement et de formation au vrai pilotage, voltige premier cycle inclus. Ce sera le RF6B.

Hélas les crédits manquent pour financer ces programmes. L’étude de ces deux avions continue mais la construction est remise à plus tard

RF6 – RF6B – 1969, retour au classicisme.

Sortie du RF6 – Premier vol mars 1973.

Parallèlement aux travaux d’études du RF8, René Fournier mène aussi ceux du RF6 réclamés par Sportavia à qui l’aide allemande vient d’être attribuée. La construction du prototype chez Sportavia, au fur et à mesure de l’arrivée des plans, est achevée en mars 1973. A peine deux mois après le RF8, il prend son envol aux mains de Klaus Kruber, le pilote maison.

Là encore les qualités de vol sont au rendez-vous. Mais à l’automne, un événement encore plus grave que la hausse du deutsch mark, se produit : le choc pétrolier. Partout c’est la panique, les clients vendent leur avion. Le RF6 arrive trop tard sur le marché et la crise s’installe. Sportavia est contraint d’abandonner toutes ses productions y compris celle des RF.

Sortie du RF6B –  Premier vol le 12 mars 1974 à Nitray (Indre-et-Loire)

Désormais privé de coopérant, René Fournier sait ce qu’il lui reste à faire s’il ne veut pas disparaître : sortir au plus vite son biplace école pour lequel il a les encouragements de « vieux » instructeurs, et lancer une série en France où les coûts de production sont redevenus compétitifs grâce à la forte baisse du franc. Ne pouvant obtenir aucune aide, il s’endette mais mène à bien son projet.

Le RF6B – B pour biplace – prend son envol en mars 1974 aux mains de Bernard Chauvreau et révèle pleinement les qualités de vol et de maniabilité que l’on attendait de lui. Malgré la crise qui perdure, une clientèle non négligeable se manifeste. René Fournier est prêt à la satisfaire, sachant les risques qu’il encourt. Il crée une petite unité de production à Nitray en hypothéquant ses biens.

L’État estime que son nouvel avion va faire concurrence aux autres constructeurs français et refuse de le soutenir malgré le succès. On croit rêver…

Le RF7

En l’attente d’une aide financière de l’État allemand pour la sortie du RF6, Sportavia veut répondre à une demande pressante des voltigeurs qui rêvent d’un RF aux ailes plus courtes et équipé d’un moteur plus puissant.

1800 heures d’études et de construction seront nécessaires au Bureau d’études Fournier pour sortir le RF7. L’avion vole le 26 février 1970. C’est un succès total. Mais c’est aussi peine perdue car les services officiels refusent la certification à cause du moteur, le VW de 60 cv, pourtant parfait mais qui ne répond pas à la norme américaine du double allumage en vigueur à l’époque.

RF7 – 1970. Monoplace de voltige issu du RF4

Le prototype du RF7 et deux autres exemplaires de construction amateur volent encore parfaitement aujourd’hui.

Le RF8

En 1969, René Fournier reçoit la visite d’un ancien compagnon de Saint-Exupéry, le général Gavoille, grand patriote, qui ne supporte pas que les services officiels aient laissé partir en Allemagne la production des avions Fournier, dans la plus totale indifférence. Il décide l’ingénieur général Bonte à agir.

Après huit mois de démarches, un prêt est accordé pour l’étude et la construction d’un avion-planeur Fournier biplace et métallique. Toute l’étude est menée par le Bureau d’études Founier et la construction assurée par la société Indraéro, une entreprise d’Argenton-sur-Creuse (Indre). Quatre années de travaux sont nécessaires pour parvenir au premier vol le 19 janvier 1973.

Cent heures de vol permettent de conclure à la réussite technique de cet avion plein de promesses.

RF8 – Premier vol en 1973 à Argenton-sur-Creuse.

Hélas ! Les capitaux manquent, mais ni l’État ni les banques ne suivent. Indraéro n’a pas les moyens de poursuivre et de lancer la série. Aussi triste et stupide que cela puisse paraître, l’histoire du RF8 s’arrête là.

Cet unique exemplaire a été transféré au Musée de  l’Air d’Angers-Marcé en juin 2013.

Le RF9

Peut-être pour le dissuader de poursuivre, ces mêmes décideurs officiels se disent prêts à l’aider pour un autre projet : un motoplaneur capable de répondre à la nouvelle norme française qui vient d’être adoptée. Il relève le défi et va sortir le RF9 tout en lançant la production de son RF6B.

Deux ans plus tard, le bilan de cet immense travail est à la fois magnifique et catastrophique. Magnifique parce que les RF6B produits enchantent leurs utilisateurs et magnifique parce que, par ailleurs, le RF9 s’est envolé révélant ses brillantes qualités de finesse et de vol.

Catastrophique, en revanche, sur le plan financier car bien sûr rien n’a changé en France dans la complexité et dans le coût de gestion que l’État impose aux entreprises et dont les Avions Fournier vont faire les frais malgré leur succès dans le monde.

Tout s’arrête le 30 mai 1977 lorsque la banque coupe les crédits et que l’État ferme les yeux. Un redresseur est nommé, ainsi qu’un directeur; après qu’ils se soient largement payés, ils coulent définitivement l’entreprise. René Fournier est totalement ruiné, sa maison familiale est en vente, il n’est plus rien. On autorise un voyou à s’installer dans l’usine, qui entreprend de la piller.

Puis un miracle se produit, un repreneur se manifeste. Il récupère l’entreprise à peu près pour rien mais sauve René Fournier et sa famille de la misère en le remettant à son poste. L’entreprise repart et termine cinq RF6B.

RF9 – Premier vol 20 janvier 1977.

Puis la licence est concédée à Slingsby, une firme anglaise aux moyens solides, qui réalise une version en composite de l’avion. Elle va en produire près de trois cents utilisés pour la formation des pilotes militaires dans plusieurs pays.

La firme Fournier se consacre alors à la certification du RF9 et à sa mise en production. Douze appareils sont construits, qui font le bonheur des utilisateurs. Hélas, le RF9 n’est plus le seul sur le marché car, en Allemagne, les plagiaires proposent des appareils similaires en composite.

Puis la licence est concédée à Slingsby, une firme anglaise aux moyens solides, qui réalise une version en composite de l’avion. Elle va en produire près de trois cents utilisés pour la formation des pilotes militaires dans plusieurs pays.

La firme Fournier se consacre alors à la certification du RF9 et à sa mise en production. Douze appareils sont construits, qui font le bonheur des utilisateurs. Hélas, le RF9 n’est plus le seul sur le marché car, en Allemagne, les plagiaires proposent des appareils similaires en composite.

Le RF10

René Fournier et René Caillet, son repreneur, ne peuvent pas fermer les yeux et se lancent dans l’étude et la construction d’une version composite du RF9. Ce sera le RF10. Prudent, le responsable de l’entreprise ne souhaite pas engager d’autre personnel et sous-traite la conversion et la construction de la cellule à Aérostructure, une petite entreprise créée par Robert Jacquet, à Pessac, près de Bordeaux.

La cellule livrée six mois plus tard, est plus lourde que prévu. Toutefois, le RF10 prend son envol le 5 mars 1981. C’est encore un succès et tous les espoirs sont permis. Hélas, le 11 avril suivant, au cours des essais de vrille, trop centré arrière, il refuse d’obéir aux commandes. Le pilote doit s’éjecter et l’avion s’écrase dans un bois. Deux autres RF10 sont construits, allégés et modifiés. Ils sont enfin certifiés sans problème. Quatorze exemplaires sont construits et livrés, dont quatre à l’armée de l’air portugaise.

Les coûts de fabrication en France ne permettent toujours pas d’atteindre la rentabilité.

RF10 – Premier vol en mars 1981.

La cellule livrée six mois plus tard, est plus lourde que prévu. Toutefois, le RF10 prend son envol le 5 mars 1981. C’est encore un succès et tous les espoirs sont permis. Hélas, le 11 avril suivant, au cours des essais de vrille, trop centré arrière, il refuse d’obéir aux commandes. Le pilote doit s’éjecter et l’avion s’écrase dans un bois. Deux autres RF10 sont construits, allégés et modifiés. Ils sont enfin certifiés sans problème. Quatorze exemplaires sont construits et livrés, dont quatre à l’armée de l’air portugaise.

Les coûts de fabrication en France ne permettent toujours pas d’atteindre la rentabilité.

Comme du côté de l’État on n’a toujours pas compris l’intérêt de la formule, malgré l’exemple et le succès des plagiaires, le repreneur cède la licence du RF10 à la société Aéromot, à Porto-Alegre, au Brésil. Celle-ci produira 150 exemplaires sous le nom d’AMT 100 Ximango (un faucon de la pampa), et quatorze autres sous le nom de AMT 200S seront achetés pour équiper l’USAF Academy aux États-Unis.

En 1985, totalement démotivé par l’attitude officielle, après sept ans de lutte et d’espoir, le repreneur dépose les armes à son tour et revend l’usine.

René Fournier se retrouve seul à nouveau, mais une lumière lui arrive d’Espagne où le coût de la main d’œuvre est plus faible qu’en France, et où l’on ne construit plus d’avions légers depuis 40 ans ! Plusieurs Espagnols tentent de créer une unité de production, en particulier M. Carlos del Rio, le financier.

Tout aurait pu merveilleusement fonctionner puisqu’il s’agissait seulement de relancer une série de RF5 pour répondre à de nouvelles demandes, ce qui évitait de gros investissements. C’était hélas sans compter, là encore, avec les incroyables entraves qu’allait imposer l’administration espagnole dont la complexité s’est révélée n’avoir rien à envier à celle de la France.

Après avoir produit douze RF5, le financier, on le comprend, perd à son tour le moral et jette l’éponge.

Le RF47

René Fournier a dépassé l’âge de la retraite mais il n’est pas encore découragé. Vu la crise qui subsiste et l’augmentation du coût des carburants, il pense qu’un avion biplace d’école classique, moderne, plus petit, plus léger que son RF6B, et d’une motorisation plus modeste que tous les autres biplaces classiques en service, devrait trouver sa place sur le marché. C’est aussi le point de vue des services officiels qui sont prêts à soutenir de développement d’un tel projet

René Fournier, n’a pas l’appui politique nécessaire pour être aidé, et ce n’est pas lui qui sera choisi malgré l’expérience qu’il a déjà largement démontrée dans le domaine des avions de faible puissance. La chance lui sourit malgré tout, car il rencontre André Daout, un homme de l’aviation, solide et réfléchi, qui se passionne pour le projet et qui va fournir le financement. René Fournier se remet au travail et dessine le RF47 qu’André Daout et son équipe vont construire.

Pourquoi «  47 » ? Parce que l’avion sera tiré des deux monoplaces, le RF4 et le RF7, dont les qualités de vol sont connues – finesse de pilotage, maniabilité, faible coût d’utilisation, prix d’achat aussi bas que possible. Pour y parvenir, l’idée d’une production en kit, formule qui vient d’être instaurée, semble être la solution.

Mais le succès de l’avion est tel qu’une certification, qui ouvrirait un plus vaste marché, est la voie la plus tentante. C’est celle que la firme choisit. On étudie et on construit donc un deuxième prototype allégé grâce à l’utilisation de la fibre de carbone dans les éléments principaux de la structure.

RF47 – Premier vol 9 avril 1993.

Inaugurant la nouvelle norme européenne JAR-VLA, ce deuxième prototype vole le 30 mars 1995. La réussite technique est totale. Ce qui l’est moins, c’est son avenir. Là encore, aucune aide nationale ou régionale ne sera apportée  malgré la certification obtenue au prix d’efforts et de coûts très importants. Mais tout n’est pas perdu grâce à l’apport financier de quelques actionnaires privés enthousiastes. Une mise en production est lancée à Épinal.

Le rêve sera de courte durée : la complexité administrative s’est encore alourdie au fil des mois. Elle atteint un tel degré qu’ajoutée au manque de trésorerie de la jeune entreprise, la série de dix avions qui est lancée ne sera jamais terminée. Seulement cinq appareils seront construits et livrés. C’est totalement désespérant.

Dans son bel ouvrage autobiographique, « Mon rêve et mes combats », René Fournier s’interroge. Pourquoi tant de contraintes et de contrôles aussi paralysants, et pourquoi ne sont-ils imposés qu’aux avions certifiés et pas aux avions en kit ou aux ULM ?  Tout simplement parce qu’en signant une certification, l’État s’engage sur la qualité des futurs appareils produits. Pour se protéger, il impose de telles règles qu’il n’y a plus rien à faire. Telle est sa conclusion. A 70 ans, il arrête sa carrière aéronautique, mais il n’abandonne pas ses anciens clients et amis qu’il continue d’aider bénévolement de ses conseils.

Aujourd’hui, à 95 ans passés, il n’a qu’un seul regret : celui de ne pas être parti aux États-Unis, patrie de la libre entreprise, dès la sortie de son premier avion en 1960.


(1) L’EASA a classé les « avions-planeurs » RF en ELA1 CS22 à la fin des années 2000.
(2) Extrait de « Mon Rêve et mes combats » de René Fournier.


LES DÉRIVÉS

SFS 31 Milan

En simplifiant, on peut dire que Le Milan a été créé en combinant le fuselage du Fournier RF-4 avec les ailes du Scheibe SF-27. Il doit son nom aux initiales des trois constructeurs impliqués :  Sportavia , Fournier et Scheibe, ainsi qu’en additionnant les numéros des deux modèles utilisés.
Le prototype du SFS 31 (immatriculé D-KORO ) a volé pour la première fois le 31 août 1969. Il sera rapidement remplacé le RF-4D en production chez Sportavia-Pützer. 13 exemplaires ont été construits.

SFS 31 Milan, premier vol le 31 août 1969